( miu ) the way you haunt me

「 o n e 」
« on va pas chialer toute la nuit comme ça c'est ridicule, » prononce-t-elle à demi-mot, la manche de son pull couvrant le dos de sa main pour y effacer le tracé délicat des larmes sur ses joues porcelaines. c'est drôle comme elle sourit malgré ça. « ils vont trouver quelque chose puis ce sera de l'histoire ancienne. » et ses mots se fanent dans l'obscurité tandis qu'elle se laisse bercer par le doux va-et-vient de la balancelle la plus à droite parmi les t r o i s qui oscillaient ce soir-là dans le silence de la nuit.


「 t w o 」
elle ne s'était pas posée de questions en rentrant des cours ce soir-là. elle n'avait pas ses affaires, toujours empressée de partir au dernier moment chaque matin et ses chaussons de danse étaient restés sur sa chaise de bureau. sept appels en absence lorsqu'elle jette un oeil à son téléphone posé sur ses draps enchevêtrés, sa mère l'aurait tuée – mais sans doute jamais aussi bien que son professeur s'il lui prenait l'audace d'arriver en retard à son prochain cours du soir.

pas une seule seconde elle n'avait remarqué la silhouette posée au coin de la fenêtre. frêle et pâle, reconnaissable entre mille. lorsqu'elle la vit enfin, sa main se plaqua contre sa poitrine et elle lâcha un long soupir. « merde, hye bin ! tu m'as fichu la trouille, depuis quand est-ce que t'es là ? » elle était épuisée de ses longues nuits sans sommeil si bien qu'elle n'eut pas le réflexe de se poser les bonnes questions.

qu'est-ce que tu fais là ?
comment est-ce que t'es rentrée ?
tu nous as pas dit que les médecins t'avaient autorisée à sortir de l'hôpital.
pourquoi t'es aussi silencieuse ?
elle était en retard. elle était perdue. elle était heureuse d'avoir son amie en bonne santé à ses côtés. il y avait cette frénésie ardente en gravitation permanente autour d'elle. elle avait chaud, elle avait froid, elle n'y faisait pas attention. tout ça lui paraissait normal.

il y eut alors un coup de donné sur sa porte. doucement, la poignée céda et sa mère apparut sur le pas, suivie de son père. chacun arborait un air grave et sérieux et miu savait que ce n'était pas bon signe, qu'elle allait se faire enguirlander avec les honneurs et s'empressa de se justifier en attrapant son sac de danse. « je sais, je suis en retard mais ça se reproduira pas. » sa phrase resta en suspend ce jour-là. « chérie... hye bin est décédée ce matin à l'hôpital. » elle avait froncé les sourcils. « de quoi vous parlez ? elle est là, les médecins viennent juste de la laisser sortir et- » elle ressentait enfin le poids écrasant de ce pressentiment désagréable que quelque chose n'allait pas. ses parents se regardaient, inquiets et désemparés face à un discours aussi décousu. enfin, il y eut un lourd silence dans la pièce. « h-hye bin ? » miyu se tourna vers elle sans qu'elle ne réponde jamais et subitement, sa silhouette lui apparut sous un nouveau jour.

pâle. froide. translucide. les couleurs vives et rassurantes avaient quitté l'oraison de sa peau et ses yeux brillants étaient devenus ternes et sombres, habillée seulement d'une robe d'hôpital aussi blanche que les murs et son regard lui, complètement vide d'expression.

pour la première fois dans les yeux de miu, une faille s'était créée et qui fit voler en éclat toutes les certitudes qu'elle pouvait avoir sur le monde. sa voix, douce et fragile, implora sa meilleure amie à plusieurs reprises, en proie au doute et à la confusion sous le regard terne de ses parents qui ne pouvaient plus nier l'évidence d'avoir dans leur famille une nécromancienne.


「 t h r e e 」
le dernier jour où elle vit hyebin fut également le dernier jour où elle vit yunseo. mi yu comprit alors que les promesses éternelles de trois gamines sur une balançoire ne valent pas plus qu'un bref sourire adressé à un inconnu dans la rue. la silhouette translucide de l'adolescente s'était évaporée comme un nuage, laissant derrière elle une amitié en ruine et un silence entendu entre deux anciennes amies. assise sur le banc qui avait suivi la cérémonie, mi yu s'était levée la première, la tête lourde mais le cœur léger de savoir que hye bin avait trouvé son repos éternel. « je vais y aller. » et comme ça, après un bref instant donné à yunseo pour la retenir si le cœur lui en disait, elle avait quitté le sanctuaire sans se retourner.

les jours qui suivirent, ses parents se mirent à prier nuit et jour au temple et louaient sempiternellement la cause de leur fille dans l'espoir qu'un jour, la lumière emporterait la part d'ombre qu'obscurcissait, d'après eux, l'éveil de sa nature.

et miyu s'agaçait;
de plus en plus s'éloignait;
et goûta enfin à cette douce folie que l'on prête à tous les nécromanciens à travers les âges.

jusqu'au jour où le spectre de hye bin lui apparu de nouveau après tant d'années, lorsqu'elle posa ses valises dans sa nouvelle chambre universitaire qu'elle partageait avec– yunseo.